Les partenariats public-privé (PPP) s’attirent, encore une fois, les critiques de la vérificatrice générale de l’Ontario, cette fois dans son rapport annuel de 2017. En 2014, Bonnie Lysyk avait souligné les graves problèmes du programme de privatisation en PPP d’Infrastructure Ontario. Dans le jargon gouvernemental, on parle d’un programme de « diversification des modes de financement et d’approvisionnement » (DMFA).
Dans ses rapports de 2016 et de 2017, la vérificatrice générale est revenue sur les problèmes systémiques des PPP, comme les coûts du financement privé qui sont plus élevés, des contrats d’entretien trop restrictifs qui entraînent des litiges et l’absence de preuves justifiant la réalisation des projets en mode PPP.
Tout aussi troublant est le refus d’organismes publics comme Infrastructure Ontario et Metrolinx, l’agence régionale des transports en commun, de mettre en œuvre les recommandations de Bonnie Lysyk en matière de transparence et de reddition de comptes.
Des données peu convaincantes pour justifier les PPP
Dans son rapport de 2017, la vérificatrice générale constate qu’Infrastructure Ontario refuse de mettre en œuvre l’une de ses principales recommandations relatives aux PPP. En 2014, elle avait demandé à l’organisme de produire des évaluations de l’optimisation des ressources « s’appuyant pleinement sur des données qui pourront résister à l’examen. »
Le rapport de 2014 soulignait qu’Infrastructure Ontario prévoyait gonfler le coût des projets gouvernementaux de 13,3 pour cent « pour refléter le facteur d’innovation que le secteur privé pourrait apporter aux projets ». Bonnie Lysyk a questionné ce changement et recommandé à l’organisme de fournir les données qui le justifieraient. Infrastructure Ontario a répondu officiellement qu’elle n’entreprendra rien au sujet de cette recommandation.
Pour justifier le recours au PPP plutôt qu’aux marchés publics, les gouvernements utilisent des « évaluations de l’optimisation des ressources ». Celles-ci sont souvent réalisées par un consultant privé. Or, pour que la solution en mode PPP apparaisse plus économique que la solution publique, ces évaluations ajoutent de nombreux frais supplémentaires par l’entremise de ce qu’on appelle un « transfert du risque » ou, dans le cas qui nous occupe, un « facteur d’innovation ».
Dans son rapport de 2014, la vérificatrice générale avait étudié 74 PPP pour conclure que ces projets ont coûté au gouvernement provincial huit milliards de dollars de plus que s’il les avait réalisés lui-même. La majorité de cette somme (6,5 milliards de dollars) est imputable au coût supérieur du financement privé. De plus, Bonnie Lysyk a mis en doute l’affirmation selon laquelle les PPP transfèrent le risque au secteur privé.
Les PPP évalués dans le rapport de 2014 utilisaient un transfert de risque irréaliste qui représentait, en moyenne, la moitié des coûts d’immobilisation. La vérificatrice a découvert que la prétention voulant que le PPP coûte moins cher que la solution publique se fonde sur l’idée qu’il transfère une grande partie du risque au privé. Or, aucune donnée ne vient appuyer cette prétention.
Entretien des hôpitaux privatisés : de nombreux problèmes
Selon le rapport de 2017, les hôpitaux sont pris à la gorge par les entrepreneurs qui réclament des frais additionnels pour des travaux d’entretien qui ne sont pas mentionnés au contrat en PPP. Plusieurs hôpitaux sont impliqués dans de longs litiges avec les compagnies d’entretien en PPP. De plus, les méthodes de résolution des conflits « prennent beaucoup de temps et s’avèrent inefficaces ». Or, Infrastructure Ontario continue d’accorder de lucratifs contrats d’entretien à des entreprises dont l’indice de rendement est mauvais. Le rapport souligne le cas d’une compagnie d’entretien dont un litige traîne depuis 2013 et qui a tout de même obtenu les contrats pour deux nouveaux hôpitaux en PPP. La valeur totale de ces contrats est de près de 2 milliards de dollars.
Souvent d’une durée de 30 ans, les contrats en PPP ne couvrent pas tous les travaux d’entretien, comme l’installation d’ouvre-portes automatiques, d’éclairage additionnel ou d’un filtre teintant sur les fenêtres. Selon la vérificatrice, les hôpitaux paient des prix déraisonnables pour les travaux non spécifiés au contrat. Quatre hôpitaux ayant un contrat d’entretien en PPP ont réclamé une aide financière additionnelle au ministère de la Santé et des Soins de longue durée ou sont en situation déficitaire en raison du coût plus élevé de ces contrats.
Le gouvernement provincial a distribué 5,3 millions de dollars en subventions complémentaires à six hôpitaux, en partie pour compenser les coûts administratifs de la gestion des contrats d’entretien en PPP, y compris les frais juridiques entraînés par les litiges. Malheureusement, cette somme n’a pas permis de combler l’ensemble du déficit. Les hôpitaux ont donc dû réduire d’autres postes budgétaires.
Des questions sur les PPP conclus par Metrolinx
Le rapport de 2017 écorche Metrolinx, l’agence qui supervise les transports en commun dans la région de Toronto et de Hamilton. Celle-ci refuse de mettre en œuvre la recommandation lui demandant de « publier les évaluations de risques détaillées ayant servi à justifier le recours à la DMFA [au PPP], de même que la méthode d’évaluation des risques qu’il a employée, de sorte que des experts indépendants puissent vérifier les résultats ».
Bonnie Lysyk souligne aussi que Metrolinx n’utilise pas de données concrètes pour comparer les projets publics aux projets en PPP. On parle ici, par exemple, du rendement réel du Réseau GO ou de la CTT. Metrolinx a recours au PPP pour les grands projets d’expansion de son réseau, mais on ne sait pas trop sur quelles données se fondent cette décision ni si ces données sont fiables.
Conclusion
Le rapport de 2017 n’a rien d’étonnant. En effet, partout au pays, des vérificateurs généraux remettent en question les arguments financiers utilisés pour justifier le financement, la construction et l’exploitation des infrastructures publiques en PPP.
Ce qu’on ne connaît toujours pas, c’est le total des obligations à long terme contractées par l’Ontario et l’impact qu’elles auront sur son budget et ses finances. On sait toutefois que lorsque la Grande-Bretagne a fait l’addition de ses obligations en vertu de ses différents projets en PPP (qu’on appelle initiatives de financement privé là-bas), elle est arrivée à la somme colossale de 300 milliards de livres sterling, soit près de 500 milliards de dollars canadiens. On parle ici d’un fardeau de 20 000 dollars par chaque famille britannique.
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