Il n’est pas rare que les travailleuses et travailleurs des refuges pour sans-abri du YWCA de Toronto quittent leur travail pour cogner aux portes des banques alimentaires. Les mêmes personnes qui s’occupent de trouver un logement stable à des familles en détresse n’ont pas les moyens de payer leur propre loyer. Le YWCA de Toronto se dirige droit vers une crise de la pauvreté et de la précarité, ce qui pourrait mener à une grève historique dans moins de trois semaines.
Hier, la Commission des relations de travail de l’Ontario a publié un avis de non-constitution. Résultat : plus de 250 travailleuses et travailleurs du YWCA, toutes et tous membres du SCFP 2189, seront en position de grève légale à partir du 22 mai. Une grève aurait un effet grave sur les services de soins en santé mentale, les personnes qui ont survécu à un traumatisme, les organismes d’aide à l’emploi pour les femmes, les refuges et les programmes de logement, les programmes de garde parascolaires, et plus encore.
« Le YWCA est au service de femmes et de familles torontoises très vulnérables, mais ses travailleuses et travailleurs commencent à l’être aussi. Leur travail est si mentalement, physiquement et émotionnellement demandant, il ne faudrait pas en plus qu’il pousse à l’endettement ou qu’il force quiconque à fréquenter les banques alimentaires », s’est exclamée Amanda Kinna, agente d’administration au YWCA et présidente du SCFP 2189. « Avec un meilleur salaire et une sécurité d’emploi, les travailleuses et travailleurs pourront améliorer les services offerts et éviter la grève. »
Plusieurs membres du SCFP 2189 doivent occuper un deuxième ou un troisième emploi pour subvenir à leurs besoins. Malgré cela, plus de 70 % d’entre eux ont du mal à payer leurs factures, et 10 % fréquentent régulièrement les banques alimentaires. Il est préoccupant de constater que la plupart de ces membres sont si peu rémunérés, considérant la qualité des programmes de logement à loyer indexé sur le revenu offert par le YWCA.
« Si des citoyennes gagnant ces salaires venaient à nous pour demander de l’aide, on aurait déjà agi. Le YWCA sait très bien que nous gagnons des salaires de misère, mais il ne fait rien », a affirmé Amanda Kinna. Certains membres du personnel ne gagnent que 38 000 $ par année. « Le YWCA dit qu’il veut construire une société équitable et féministe, mais c’est seulement les femmes de la direction et celles que nous servons qui en profitent. »
Le projet de loi 124 du gouvernement progressiste-conservateur a limité les augmentations salariales des membres du SCFP 2189 à un plafond de 1 % en pleine période de forte inflation. La direction s’octroie une augmentation de salaire dans les deux chiffres pendant que les travailleuses et travailleurs peinent à suivre le coût de la vie. Des propositions raisonnables ont été faites pour aider les membres à vivre au sein même de la collectivité où ils travaillent, mais le YWCA a préféré accorder une augmentation salariale de 2,5 % ainsi qu’une indemnité compensatrice.
« Quand je travaille là, je donne mon 100 %, mais ce n’est pas suffisant. Je me suis trouvé un deuxième emploi. Je travaille sept jours sur sept. Je n’ai même pas le temps de m’occuper de mes enfants », s’est confiée Elizabeth Legenza, responsable de l’accueil au YWCA depuis 15 ans. « Nous aimons ce que nous faisons et ce n’est pas notre chèque de paie qui nous motive, mais il est plutôt décourageant de constater que notre altruisme se retourne contre nous et contre nos proches. Notre bien-être est aussi important que nos emplois. »
Les membres du SCFP 2189 gardent espoir que le YWCA et leurs donatrices et donateurs verront la valeur d’investir dans les travailleuses et travailleurs d’ici au retour à la table de négociation le 15 mai.