Bonjour et merci d’être ici ce matin.
Je m’appelle Candace Rennick, je suis la secrétaire-trésorière du SCFP-Ontario et une ex-travailleuse des soins de longue durée. James Brophy et Margaret Keith sont ici avec moi ce matin. Ils ont effectué la recherche qui a mené à l’enquête Breaking Point, qui vient tout juste d’être publiée et rendue publique. Breaking Point est une étude approfondie sur la violence subie par le personnel des foyers de SLD partout en Ontario.
James Brophy et Margaret Keith vous diront eux-mêmes ce qu’ils ont entendu dans le cadre de leur recherche, mais d’abord j’aimerais examiner avec vous les résultats spécifiques à Ottawa découlant de l’enquête provinciale qui a été effectuée sur la question de la violence subie par le personnel des SLD.
Le SCFP représente près de 40 000 travailleurs des soins de longue durée partout dans la province. Près de 1 300 membres des établissements de soins de longue durée municipaux, caritatifs et privés dispersés aux quatre coins de la province ont répondu au sondage. Ce matin, nous nous concentrons sur les résultats spécifiques à Ottawa.
Parmi les répondants provenant d’Ottawa, 80 % se sont identifiés comme étant des femmes.
Soixante-seize pour cent des répondants sont des préposés aux services de soutien à la personne ou des infirmiers auxiliaires autorisés.
Sur la question de la violence physique, comme être poussé, frappé ou s’être fait lancer des choses par des résidents ou même des membres des familles, 76 % des répondants d’Ottawa (ce qui comprend tous les groupes professionnels) rapportent avoir subi ce genre de violence physique, et près de la moitié affirment que cela se produit au moins une fois par semaine.
Lorsqu’on leur pose des questions au sujet de la violence non physique, comme les injures, les insultes, les gestes menaçants ou l’intimidation, 85 % ont répondu en avoir été victimes au travail. Près de 60 % affirment le subir au moins une fois par semaine.
Mais lorsque vous examinez le sondage de plus près et que vous regardez les chiffres provenant du personnel de première ligne, soit les infirmiers auxiliaires autorisés et les préposés aux services de soutien à la personne qui sont ceux qui sont généralement le plus à risque, les expériences de violence sont beaucoup plus élevées.
Par exemple :
88 % des préposés aux services de soutien à la personne et des infirmiers auxiliaires autorisés rapportent être victimes de violence physique;
86 % des préposés aux services de soutien à la personne et 92 % des infirmiers auxiliaires autorisés subissent de la violence non physique.
Lorsqu’on leur parle de harcèlement sexuel, comme des commentaires ou des gestes de nature sexuelle, 66 % ou les deux tiers des répondants affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel au travail.
Sur la question des agressions sexuelles de nature physique, comme être tripoté ou touché de façon inappropriée, près de la moitié des répondants ont admis avoir été agressés sexuellement dans nos foyers de soins de longue durée. Près de 60 % des préposés aux services de soutien à la personne ont rapporté avoir subi certaines formes d’agression sexuelle au travail.
Lorsqu’on leur a demandé à quelle fréquence ces situations ont été rapportées, nous avons appris que 55 % des répondants n’ont pas fait de rapport. Et nous savons, par l’entremise de nos groupes de consultation, que les gens ne rapportent pas de peur d’être blâmés ou parce qu’ils croient que rien ne sera fait.
Je peux parler par expérience, ayant été coincée dans la chambre privée d’un résident qui a tenté de m’agresser sexuellement, m’agrippant le visage pour essayer de m’embrasser. J’ai réussi à m’extraire de cette situation sans autre atteinte à ma personne, mais lorsque je suis allée voir mon responsable pour rapporter l’incident, on m’a dit, et je cite : « Arrête d’être aussi gentille ».
Près de 75 % des répondants ont affirmé que, selon eux, les résidents ne reçoivent pas un niveau de soins adéquat avec les conditions actuelles en ce qui a trait aux niveaux de dotation en personnel et à la charge de travail.
Un peu plus de 60 % des répondants ont indiqué qu’au moins la moitié des expériences de violence dont ils ont été victimes au travail se sont produites à un moment où ils travaillaient en manque de personnel.
De ce nombre, 92 % ont affirmé que plus de personnel dans les foyers de soins de longue durée aiderait à prévenir des incidents de violence.
Lorsqu’on leur a demandé, sur une échelle de 1 à 9, 1 étant faible et 9 élevé, à quel point ils se sont sentis stressés, anxieux ou épuisés émotionnellement en raison de leurs conditions de travail, 75 % ont mentionné 5 ou plus et 20 % ont répondu 9 – ce qui représente le niveau de stress ou d’épuisement le plus élevé causé par les conditions de travail. Une analyse plus approfondie du sondage nous permet de constater que 70 % des infirmiers auxiliaires autorisés et 74 % des préposés aux services de soutien à la personne qui ont répondu au sondage ont admis penser à quitter leur emploi en raison des conditions de travail.
Soixante-deux pour cent des répondants se sont identifiés comme étant Autochtones, racisés ou nouveaux immigrants au Canada et nous avons demandé seulement aux personnes qui se sont identifiées comme appartenant à une de ces catégories de nous dire si selon elles le fait d’avoir été victimes de harcèlement ou d’abus au travail est directement lié à la race, et 73 % de ces personnes ont affirmé avoir subi de la maltraitance en raison de leur race.
L’histoire de violences verbales, sexuelles et physiques que suggèrent ces résultats devrait préoccuper toutes les personnes qui sont associées aux soins de longue durée dans notre province.
Un environnement violent et dégradant pour les travailleurs des SLD doit très certainement être dangereux pour les résidents. Ces résultats brossent un tableau sombre d’un environnement scandaleusement dangereux.
Dans l’ensemble, l’étude et les résultats du sondage reflètent l’angoisse et la douleur émotionnelle et physique que vit la main-d’œuvre des soins de longue durée face à une vague incessante de violences verbales, raciales, sexuelles et physiques.
Nous demandons à tous les députés provinciaux, peu importe leur partisannerie politique, de s’unir pour adopter des lois qui rendront la vie meilleure et plus sécuritaire pour les travailleurs vivant dans des établissements de soins de longue durée et y travaillant. Nous demandons aux députés provinciaux de prendre des mesures sur deux projets de lois qui sont présentement devant l’Assemblée législative de l’Ontario.
- Le projet de loi 13 – la Loi sur le temps alloué aux soins – demande une norme de soins de quatre heures pas résident par jour imposée par la loi. Les travailleurs de première ligne ont besoin de plus de temps pour répondre aux besoins de nos êtres chers et nous croyons fermement qu’il y a un lien évident entre la violence et le fait que le personnel ne dispose pas de suffisamment de temps pour prendre soin des résidents ou répondre à leurs besoins.
- Le projet de loi 192 assurera une protection statutaire aux travailleurs de la santé qui rapportent des incidents de violence au travail. Nous savons que de nombreux travailleurs de la santé ont peur de rapporter les incidents de violence par crainte d’être ignorés, blâmés ou punis. Cette culture doit changer. Les actes de violence au travail ne devraient pas être considérés normaux. Ce projet de loi est récemment mort au feuilleton, mais il sera déposé à nouveau dans les semaines à venir.
Et, finalement, nous demandons au gouvernement fédéral de changer le Code criminel.
- Le projet de loi C-434 est un projet de loi d’initiative parlementaire d’un député fédéral qui apporterait des changements au Code criminel fédéral, semblables aux changements qui ont été apportés pour les travailleurs du transport en commun, changements qui feraient en sorte que la violence à l’égard des travailleurs de la santé serait traitée comme un crime grave aux termes du Code criminel pour toute personne mentalement compétente.
Nous croyons que ces changements auraient dû être adoptés il y a longtemps et qu’ils contribueront grandement à améliorer la qualité des soins et la sécurité des résidents et du personnel des établissements de soins de longue durée ici, à Ottawa.
Je vous remercie pour votre présence ici ce matin et il nous fera plaisir de répondre aux questions si vous en avez ou de discuter avec vous en personne lorsque nous aurons terminé.