Ottawa Sun
Le dimanche 13 mars 2016
Par Fred Hahn

Les programmes sociaux universels font, à juste titre, l’objet de la fierté de tous les Canadiens.

Ils témoignent de notre sentiment commun d’identité et de notre désir d’avoir une société inclusive et juste. Ils nous profitent à tous, ils assurent une sécurité économique et sont efficaces. Parce que tout le monde participe à ces programmes et profite de leur nature universelle, ils reçoivent un large appui.

C’est pourquoi nous avons créé le Régime de pensions du Canada (RPC), en 1965, sous forme de programme universel. Nous avons vu la nécessité de protéger la sécurité économique des gens à la retraite et nous voulions nous assurer que chaque travailleur puisse en profiter. Aujourd’hui, la vaste majorité des Canadiens considèrent qu’il est nécessaire de bonifier le RPC afin que les gens puissent prendre leur retraite sans avoir à s’inquiéter de la façon dont ils pourront payer les factures. La façon la plus raisonnable de bonifier le RPC est de mettre à profit le modèle actuel d’universalité, en augmentant légèrement les cotisations des travailleurs et des employeurs afin que nous puissions doubler nos revenus de retraite provenant du Régime.

Malheureusement, cet objectif d’améliorer les vies des retraités a été entravé par des gouvernements qui se plient à des craintes grandement exagérées, et simplement erronées, selon lesquelles nous ne pouvons pas nous permettre de bonifier le RPC. La réalité est toute autre : nous ne pouvons plus nous permettre de retarder la bonification du RPC. En vieillissant, un trop grand nombre de Canadiens se retrouvent incapables de vivre avec dignité parce que les gouvernements, les uns après les autres, n’ont pas vu à ce que nos programmes de sécurité de la retraite universels suivent le rythme de l’inflation.

La bonification du RPC pour tous est l’objectif du mouvement syndical canadien depuis très longtemps. Les militants et les dirigeants syndicaux luttent depuis des années pour obtenir de meilleurs régimes de retraite pour tous les Canadiens.

Le premier ministre Stephen Harper s’est opposé à cet objectif à la moindre occasion. Sa résistance est la raison pour laquelle Kathleen Wynne et le gouvernement libéral de l’Ontario ont d’abord lancé l’idée du Régime de retraite de la province de l’Ontario (RRPO). Malheureusement, le RRPO est maintenant ce qui torpille l’objectif de bonification du RPC.

Le budget provincial de l’Ontario a été déposé la semaine dernière. Ce budget incluait des éléments qui nous rapprochent de l’introduction du RRPO. Le RRPO était peut-être une bonne idée lorsque le gouvernement Harper empêchait toute tentative de bonifier le RPC – mais le RRPO avait du sens uniquement s’il était conçu sur le même modèle que le RPC.

Si un régime ontarien était conçu sur les mêmes principes d’universalité que le RPC, alors il pourrait être inclus dans une bonification future du RPC couvrant chaque Canadien.

Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Le RRPO n’est pas conçu de manière universelle. En fait, il créera un système à deux niveaux qui vise directement notre précieux système de pension gouvernementale.

Le RRPO exempte les travailleurs qui ont un régime de retraite « comparable » au travail. Cette exemption, qui exclut du RRPO des membres de notre famille, nos amis et nos voisins de l’Ontario, était déjà très conflictuelle, mais, maintenant, le système à deux niveaux du régime est une menace pour les principes universels fondamentaux du RPC.

L’énoncé clair du gouvernement de Kathleen Wynne à l’effet qu’il a l’intention d’exercer des pressions pour la bonification du RPC au même titre que pour le RRPO en est la preuve. Le budget lui-même stipule : « … toute bonification du RPC doit être réalisée en temps utile et fournir un niveau de protection adéquat et ciblé qui est compatible avec le RRPO. »

Cela semble indiquer que le gouvernement de Kathleen Wynne demande au gouvernement de Justin Trudeau de ne pas bonifier le RPC pour tout le monde, mais seulement pour quelques personnes, tout comme le RRPO « ciblé » exclut des millions de personnes. Si cela se produisait, le RPC ne serait plus un programme social universel et deviendrait à deux niveaux.

Le gouvernement de l’Ontario est un joueur majeur dans les discussions sur un régime de retraite public national. L’Ontario doit consentir à la bonification du RPC. Si Kathleen Wynne insiste pour utiliser son RRPO à deux niveaux pour servir de base à la bonification du RPC, alors le rêve d’une bonification du RPC pour tous est voué à l’échec. De cette manière, le RRPO pourrait vouloir dire la fin de l’universalité – la pierre angulaire d’un de nos plus précieux programmes canadiens.

Pour cette raison, on doit empêcher le RRPO non universel, dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Des années d’expérience ont démontré qu’une fois que les programmes introduisent des éléments qui ne sont pas universels, les pressions s’intensifient pour convertir tous les programmes à la partie inférieure du modèle à deux niveaux.

Il est maintenant temps pour les libéraux de l’Ontario de prendre un temps d’arrêt sur leur RRPO problématique et de faire preuve du leadership nécessaire pour bonifier universellement le RPC pour les générations futures. Toute promotion constante par l’Ontario d’une bonification à deux niveaux est une attaque directe contre les perspectives de retraite de tout le monde et un affront contre l’essence même de ce qui fait notre fierté en tant que Canadiens.